Dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968…

Le Rassemblement national saura-t-il tirer les enseignements de ce vote?

Un texte obsolète dans un monde qui a changé

Signé le 27 décembre 1968, six ans après l’indépendance de l’Algérie, l’accord franco-algérien réglait la circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France. À l’époque, la France cherchait à préserver ses intérêts militaires et énergétiques dans ce qui était encore peu de temps avant une partie intégrante du territoire français et à maintenir un canal privilégié d’échanges avec Alger, alors que la guerre froide battait son plein. Cet accord, prolongement implicite du lien colonial, garantissait à l’Algérie un statut migratoire dérogatoire exceptionnel — un régime spécifique, distinct du droit commun appliqué à tous les autres étrangers hors Union européenne.

Malgré plusieurs avenants (1985, 1994, 2001), ce régime demeure lex specialis : il confère encore aujourd’hui aux Algériens des droits singuliers, notamment un certificat de résidence de dix ans délivré de plein droit et gratuitement, sans conditions d’intégration linguistique ni examen civique. En comparaison, les étrangers soumis au Code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) doivent justifier d’un niveau B1 en français et s’acquitter de taxes importantes.

Ce privilège historique s’ajoute à une asymétrie diplomatique devenue insupportable : la France accorde chaque année environ 300 000 titres de séjour à des ressortissants algériens, tandis que l’Algérie refuse des visas à des Français — y compris à des pieds-noirs souhaitant se recueillir sur les tombes de leurs ancêtres. Elle ne délivre pas les laissez-passer consulaires nécessaires à l’exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF), refuse de reprendre ses délinquants, et réintroduit dans son hymne national un couplet insultant pour la France.
S’y ajoute une dette de plusieurs dizaines de millions d’euros envers la Sécurité sociale française, la disparition du français de l’enseignement supérieur algérien, et la détention arbitraire de citoyens français, dont l’écrivain Boualem Sansal, dans les prisons d’Alger.
Autant de manquements à la réciprocité, qui rendent intenable le maintien d’un accord conçu dans un tout autre contexte historique.

Un vote symbolique mais politiquement révélateur

Le 29 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté, à 185 voix contre 184, une résolution déposée par le Rassemblement national demandant la dénonciation de cet accord de 1968. Ce vote — le premier succès parlementaire du RN — a été rendu possible grâce à l’appui partiel de députés Les Républicains et Horizons, qui ont voulu exprimer une forme de « fermeté » face à l’Algérie.

Mais il faut rappeler qu’une résolution n’a aucune portée juridique : elle ne lie pas l’exécutif, seul compétent pour dénoncer un traité international. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a d’ailleurs aussitôt annoncé sa volonté non pas de rompre, mais de renégocier l’accord, le jugeant « appartenant à une autre époque ».

Ce succès apparent du RN n’est donc qu’un mirage institutionnel. Le texte n’aura aucune suite concrète : il se perdra dans les méandres du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel, des commissions interministérielles et de la diplomatie. En somme, il fera “pschitt”, comme tout ce que le RN serait amené à entreprendre s’il obtenait un jour la majorité parlementaire.
Car le système progressiste, depuis des décennies, a méthodiquement verrouillé les contre-pouvoirs : juridictions, haute administration, autorités indépendantes… rien ne permet à une majorité politique dissidente de modifier réellement le cadre républicain sans l’appui de l’exécutif.

La fausse victoire du RN et la vraie leçon de ce vote

Je ne me réjouis pas de ce vote à cause de la possible union des élus de droite sur certains sujets consensuels comme nous l’entendons très souvent exprimé, mais parce qu’il démontre par l’absurde l’impasse stratégique du Rassemblement national.
Ce parti réclame la dissolution de l’Assemblée nationale, croyant y trouver une chance de victoire. Or, c’est une erreur politique majeure. Car même avec une majorité parlementaire, le RN se retrouverait paralysé par la machine institutionnelle — incapable de gouverner, de réformer, ou même d’appliquer une mesure symbolique.
Les progressistes ont installé un système de contre-pouvoirs administratifs et juridiques qui neutralise toute alternance réelle. Le RN, en obtenant la dissolution qu’il réclame, tomberait dans le piège : il décevrait son électorat, démontrerait son impuissance et s’effondrerait aux scrutins suivants.

La seule voie possible, dans le cadre de la Ve République, n’est pas la dissolution législative mais la conquête de l’Élysée. Car tout, dans nos institutions, se verrouille et se déverrouille à l’Élysée.
C’est là que se joue la souveraineté réelle : dans la main du Président de la République, seul maître des traités, des nominations et des réformes structurelles.

Conclusion

Rien ne changera concernant l’Algérie, car le pouvoir en place est faible et continuera à s’avachir devant Alger. Comment pourrait-il en être autrement d’un Président qui, de passage à Alger, parle de « crimes contre l’humanité » commis par son propre pays ? On ne peut attendre de celui qui se complaît dans la repentance qu’il prenne des mesures allant à l’encontre des avantages accordés à l’Algérie et à ses ressortissants.
En revanche, tout peut changer — du moins espérons-le — dans la stratégie du Rassemblement national, qui pourrait enfin saisir la fatuité de sa demande de dissolution. Ce vote, stérile dans ses effets, devrait lui ouvrir les yeux : l’enjeu n’est pas la conquête d’une Assemblée corsetée par les contre-pouvoirs, mais la conquête du sommet de l’État, seul lieu où se décide encore la souveraineté française.

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